jeudi 2 novembre 2017

SCANDALE D’ÉTAT LA CONTRIBUTION DE 3% SUR LES DIVIDENDES

Inconstitutionnalité de la contribution additionnelle de 3 % sur les dividendes (C. const. 06/10/2017)

Dernière mise à jour le 30 octobre 2017

Le Conseil constitutionnel se prononce à son tour. 

1. Ce qu’il faut retenir

Jugée contraire à la directive mère-fille par la Cour de Justice de l’Union Européenne dans une décision du 17 mai dernier (CJUE du 17 mai 2017, n°C-365/16), la contribution additionnelle de 3 % sur les distributions, dont sont redevables les sociétés à l'IS autres que les PME (CGI, art. 235 ZCA), a fait l’objet d’une décision d’inconstitutionnalité.

La jurisprudence du Conseil d’Etat (à la lumière de la décision de la CJUE), aboutit en effet à faire un distinction selon que la filiale dont les dividendes sont redistribués est établie ou non sur le territoire d’un Etat membre de l’Union Européenne autre que la France, distinction contraire aux principes d’égalité devant la loi et devant les charges publiques.

La décision d’inconstitutionnalité est applicable pour l’avenir et pour toutes les affaires non définitivement jugées.

QPC du 6 octobre 2017, n°2017-660
CJUE du 17 mai 2017, n°C-365/16

2. Conséquences pratiques

Les distributions mises en paiement à compter du 8 octobre 2017 (date de publication) ne feront plus l’objet de la contribution de 3 % qu’il y ait ou non des filiales, et le cas échéant, quel que soit leur lieu d’établissement.

Sont également concernées les personnes morales redevables de la contribution pour des faits générateurs antérieurs ayant déposé une réclamation contentieuse avant la décision du Conseil constitutionnel.

La situation des redevables, autres que ceux visés par la décision de la CJUE, n’ayant pas formulé de réclamation avant cette date, est quant à elle plus ambigüe en raison de la formulation choisie par le Conseil constitutionnel pour l’application dans le temps de sa décision.

Les contribuables concernés ayant acquitté la taxe additionnelle au cours des années 2015, 2016 et 2017 ont, en toutes hypothèses, intérêt à déposer une réclamation.

Pour plus d’information sur la forme et le contenu de la réclamation, voir  BOI-CTX-PREA-10-50.
 
Remarque
La suppression de la contribution additionnelle de 3 % étant intégrée dans le projet de loi de finances pour 2018 , la portée de la décision d’inconstitutionnalité est a priori limitée aux distributions mises en paiement jusqu’au 31 décembre 2017.

3. Pour aller plus loin


Une contribution additionnelle de 3 % a été mise en place par la seconde loi de finances rectificative pour 2012 (CGI. Art. 235 ter ZCA).

Elle est prélevée sur toutes les sommes prenant la forme de dividendes ou de revenus distribués versées par des organismes français ou étrangers passibles, de plein droit ou sur option, de l’impôt sur les sociétés en France.

Des exceptions sont prévues, par exemple pour les sociétés répondant aux conditions de PME au sens communautaire.

Pour en savoir plus, voir doc expert Impôt sur les sociétés (IS).
BOI-IS-AUT-30
  L’article L. 190 du LPF permet aux contribuables d’effectuer une réclamation dans le délai de prescription en cas de décision juridictionnelle de non-conformité d’une règle fiscale à une norme supérieure (y compris par la CJUE).

Le délai de prescription applicable est celui de droit commun. Il court à compter de la mise en recouvrement ou du paiement de l’impôt et non à compter de la date de la décision juridictionnelle.
BOI-CTX-PREA-10-40 §310 et s.

Les contribuables visés par la décision de non-conformité rendue par la CJUE, à savoir les sociétés mères qui redistribuent des dividendes provenant de filiales établies sur le territoire d’un Etat membre autre que la France, peuvent déposer une réclamation contentieuse sur ce fondement jusqu’au 31 décembre de la deuxième année suivant celle du paiement de la contribution. Il est donc encore possible de déposer des réclamations pour les paiements intervenus en 2015, 2016 et 2017.
  Les décisions du Conseil constitutionnel ne sont pas directement visées par le droit de recours prévu à l’article L.190 du LPF. Toutefois, dans le cadre d’une QPC renvoyée par le Conseil d’Etat ou la Cour de cassation, les décisions de ces juridictions  devraient permettre de relever du champ d’application  de ce dernier article. Cela suppose néanmoins que le Conseil constitutionnel n’ait pas lui-même limité les effets dans le temps de sa décision (Voir sur ce point : "QPC fiscale et effets de la décision dans le temps"). 

En d’autres termes, l’application des décisions d’inconstitutionnalité à des faits générateurs antérieurs à la date desdites décisions dépend de la formulation choisie par le Conseil constitutionnel.

En matière fiscale, lorsque le Conseil constitutionnel limite l’application de sa décision aux "instances en cours", seuls les contribuables ayant formulé une réclamation contentieuse avant la date de la décision peuvent se prévaloir de l’inconstitutionnalité. Ceci explique que bien souvent les praticiens préconisent une telle réclamation dès la connaissance de l’examen d’un texte par le Conseil constitutionnel.

Il peut également arriver que les "Sages" reportent les effets de leur décision à une date ultérieure pour éviter les conséquences d’une multiplication des recours (pour un exemple, voir QPC du 30 sept.2016, n°2016-751).

Dans la présence affaire, le Conseil constitutionnel prévoit une application de la décision aux "affaires non définitivement jugées", formulation peu explicitée par les commentaires officiels.

A la lecture de certaines publications du Conseil constitutionnel, il pourrait s'agir d’une formulation réservant un effet pour l’avenir aux décisions d’inconstitutionnalité. Voir sur ce point, "Les effets dans le temps des décisions QPC : un droit des conséquences des décisions constitutionnelles".

Une décision rendue le 19 mai 2017 (QPC n°2016-629) retenant une formulation proche à celle de la décision du 6 octobre amène toutefois à une lecture différente. Dans son commentaire officiel, le Conseil constitutionnel avait en effet précisé qu'il résultait des termes choisis que "la décision [pouvait] être invoquée dans toutes les instances contentieuses (réclamation, requêtes) en cours ou à venir dès lors que les conditions du LPF, notamment celles relatives au délai de réclamation, [étaient] satisfaites" (Commentaire décision n°2016-629 QPC).